S'entraîner à vélo quand on manque de temps
Vous êtes nombreux à penser que pour progresser, vous devez accumuler les kilomètres et donc avoir une activité professionnelle en conséquence. Il existe en effet une relation étroite entre le volume d'entraînement et les performances chronométriques réalisées. Mais existe-t-il des alternatives ?
De nombreux cyclosportifs nous posent souvent la question suivante : ''Je roule depuis tant d'années, à raison de x fois par semaine. Je participe, chaque saison, à quelques cyclo, avec à la clé des performances honorables mais que j'aimerais encore améliorer. Or, je me demande si je vais un jour y parvenir. En effet, pour raisons familiales et professionnelles, je ne peux consacrer que peu de temps à mon entraînement. Quel est votre avis sur la question ?''
Vous êtes nombreux à penser que pour progresser, vous devez accumuler les kilomètres et donc avoir une activité professionnelle en conséquence. Si vous pensez cela, vous n'avez pas tout à fait tort !
Il existe en effet une relation étroite entre le volume d'entraînement et les performances chronométriques réalisées. Malheureusement, nous pouvons rarement choisir le nombre d'heures travaillé quotidiennement !
Devons-nous pour autant ''remiser nos objectifs au placard'' ? Nous ne le croyons pas. Avec un entraînement rigoureusement programmé et planifié, nous pensons qu'il est tout à fait possible de compenser un manque de volume d'entraînement (nous avons déjà abordé, au cours d'un précédent dossier, cette notion de l'importance de la planification de la saison) et donc se fixer d'ambitieux objectifs.
Lire notre dossier : Planifier sa saison de vélo
Lire notre dossier : Quels sont les objectifs de l'entrainement en vélo
Il est possible de progresser en procédant également à quelques adaptations de son entraînement.
L'entraînement, ou comment stresser son organisme
Afin de comprendre comment progresser en s'entraînant ''peu'', il est essentiel, dans un premier temps, de totalement saisir les principes de base qui régissent le fonctionnement de notre organisme et sa capacité d'adaptation (donc de progression). Cette connaissance préalable permettra d'éviter de nombreuses erreurs, erreurs malheureusement commises par la plupart des cyclo.
Rouler x heures représente un stress pour l'organisme, ayant pour conséquence de le déséquilibrer. Si, suite à cette stimulation, une période de récupération apparaît, l'organisme rétabli naturellement son équilibre (qui est relatif, appelé homéostasie) par la création de nouvelles adaptations biologiques, lesquelles le conduisent finalement à le rendre plus efficient, plus ''fort''. Une contrainte de même intensité engendrera alors une perturbation fonctionnelle moins prononcée.
Par exemple, en début de saison, après une longue période d'inactivité, grimper l'Alpe d'Huez sera ressenti comme extrêmement difficile. Après quelques semaines d'entraînement, la même montée sera vécue…difficilement !
Pour espérer progresser, les perturbations organiques doivent être suffisamment profondes. Si les charges d'entraînement ne sont pas assez intenses, les progrès seront faibles voire nuls. A l'inverse, si l'organisme est trop perturbé, le déséquilibre engendré dépassera sa capacité d'adaptation, les progrès seront également nuls. Blessures et maladies apparaîtront même alors.
L'objectif de tout cycliste est donc de trouver le juste équilibre entre ces deux situations (trop vs pas assez) afin de perturber de manière optimale son organisme !
Lire notre dossier : Eviter les contre-performances
Une juste perturbation qui se traduira par une sensation de fatigue. Cette lassitude ne doit surtout pas être considérée comme négative et être évitée. Au contraire, elle traduit le déséquilibre de l'organisme et indique qu'une période de récupération doit être respectée.
En effet, en contexte d'entraînement, la charge de travail (1) perturbe l'organisme (2), qui, après une période de récupération (3), s'adapte, donc progresse (4) :
Pour progresser, il faut donc dans un premier temps ''stresser'' son organisme par l'application de charges d'entraînement puis, ensuite, récupérer afin qu'il puisse s'adapter. D'accord, mais concrètement, comment stresser l'organisme ? Les sorties longues sont-elles le seul moyen pour y parvenir ? Est-il indispensable d'avaler'' les kilomètres pour y parvenir ?
Lire notre dossier : Cycliste : comment s'entrainer pour progresser ?
Lire notre dossier : Reprise et préparation hivernale
L'entrainement bi-quotidien
Si vous ne disposez pas de suffisamment de temps pour réaliser de longues sorties (hormis le week-end), vous pouvez opter pour l'entraînement bi-quotidien :
- par exemple, une courte séance le matin (avant le travail) ou le midi (pendant la pause déjeuner)
- et une deuxième, le soir, après votre activité professionnelle.
Oui mais voilà, deux courtes sorties (de trois quart d'une heure chacune) sont-elles aussi efficaces qu'une seule longue (d'une heure et demie) ? Certainement !
Enchaîner, dans un court laps de temps, deux sessions d'entraînement est extrêmement efficace en termes d'adaptations physiologiques. Par exemple, l'oxydation des lipides est égale (voire supérieure) suite à deux courtes séances séparées par une brève période de récupération qu'après une seule longue séance. Elle augmente en effet avec la durée de l'exercice. A priori, rouler trois heures d'affilées semble donc plus favorable pour perdre du poids que deux courtes sorties.
Or, après une séance d'entraînement (même courte), le métabolisme énergétique est stimulé pendant quelques heures (c'est la notion de cycle futile). Si, au cours de ce laps de temps, une deuxième sortie est réalisée, l'oxydation des graisses est élevée, bien plus qu'au cours de la première séance.
De façon imagée, la chaudière tourne à fond alors que les fenêtres de la maison sont ouvertes ! Deux séances, même courtes, séparées par moins de six heures, sont autant sinon plus efficaces pour s'affûter (perdre du poids) qu'une seule longue.
L'avantage de l'entraînement bi-quotidien ne concerne évidemment pas seulement la perte de poids. Ses effets sont également sensibles par ailleurs :
- prolifération des capillaires sanguins,
- augmentation des mitochondries
- augmentation des enzymes oxydatives, etc.
Au final, l'organisme est capable d'oxyder davantage de lipides pour une intensité donnée (le glycogène étant donc préservé), l'apport en oxygène est augmenté…
Comment expliquer ces adaptations ?
Il semble que le fait de posséder de faibles réserves en glycogène (à condition évidemment que les apports en glucides soient limités à l'issue de la première session d'entraînement) soit le facteur déclenchant et déterminant de ces nombreux progrès, via la transcription des gênes impliqués dans les processus d'adaptation à l'entraînement.
Pourquoi ? Simplement parce que rouler avec de faibles réserves en glycogène est plus stressant pour l'organisme que s'entraîner avec des réserves normales ou élevées. Les études scientifiques traitant de ce sujet l'ont justement relevé : les concentrations en hormones du stress (catécholamines, cortisol…) et de l'inflammation (Heat Shock Proteins, interleukine-6 et autres cytokines) sont augmentées en situation de manque de glycogène.
Lire le dossier : Pratique du cyclisme : A chacun ses objectifs !
De la rigueur
Evidemment, s'entraîner alors que le temps manque, a fortiori bi-quotidiennement, nécessite d'être extrêmement bien organisé. Il est fondamental de ne pas gaspiller le peu de temps libre. Chaque séance doit être efficace donc constructive. Elle implique alors une extrême rigueur, dans la programmation et la réalisation des séances. La récupération doit également être optimisée : la qualité de l'alimentation et celle du sommeil doivent être surveillées.
Comme il s'agit de quotidiennement gérer de nombreuses sollicitations (professionnelles, familiales, etc), toutes approximations (couchers tardifs, alimentation déséquilibrée…) ''se paient comptant'' à un moment ou à un autre (carences nutritionnelles, dette de sommeil…qui conduisent à des blessures et maladies chroniques).
La rigueur est donc une qualité essentielle pour quiconque souhaite progresser en contexte de manque de temps. Une rigueur appliquée au cours des périodes de préparation et de compétition mais pas seulement. La gestion de la transition entre deux saisons est également essentielle. Tout relâchement excessif (prise de poids, arrêt total de l'entraînement, etc) obligera le cycliste, à la reprise de l'entraînement, à consentir d'importants efforts pour combler le retard pris. Tous ces efforts, inutiles (car pouvant être évités par une gestion ''intelligente'' de la période de transition), se paieront là-aussi à un moment de la saison par l'apparition de blessures, d'une lassitude mentale…
Il est donc fondamental d'être constant tout au long de l'année, et ce même au cours de la période transition.
Et les séances intenses alors ?
Si, comme de nombreux cyclo, votre emploi du temps vous empêche de réaliser de longues sorties, ne baissez pas les bras pour autant. Vous pouvez également en partie les compenser par un entraînement axé sur des séances intenses. Rouler au-delà de 85 % de sa puissance maximale aérobie (soit une intensité qui peut-être maintenue environ trois quart d'heures) perturbe en effet profondément l'organisme. Ces séances seront beaucoup plus efficaces en tout cas que les traditionnelles longues sorties dominicales, en peloton, où on joue à ''faire les pancartes'' !
Fiche pratique : Les séances intenses
Par ailleurs, nombreux sont les cyclistes qui usent et abusent des longues sorties. Or, c'est oublier que ce type de séance engendre de profondes perturbations fonctionnelles. Par exemple : à l'exercice, une partie du débit sanguin est détournée des viscères au profit des muscles squelettiques, accentuée en absence d'apport hydrique. Or, cette ischémie, lorsqu'elle est longue (comme c'est le cas pour les sorties dont la durée dépasse l'heure et demie) et répétée, altère la muqueuse intestinale. Celle-ci devient alors poreuse, elle ne joue donc plus son rôle de filtre vis-à-vis d'éléments pathogènes extérieurs, expliquant en grande partie les troubles intestinaux dont souffrent de nombreux cyclistes (l'abus de boissons énergétiques n'y étant pas également étrangers…).
Des exercices intenses pour compenser les sorties longues.
Oui, mais lesquels ?
L'interval-training, le fartlek et le fractionné sont des méthodes très efficaces pour stresser l'organisme. Ce type d'exercice consiste en la répétition de fractions d'effort (dont la durée est fixé ou non à l'avance, variant généralement entre 30 secondes et 5 minutes et comprises entre 85 et 100 % de la VMA) entrecoupées par des périodes de récupération (de durée égale ou à peu près identique à celle de l'effort, à faible intensité).
Lire notre dossier : Le fartlek ludique
Par ailleurs, comme nous l'avons vu, la performance en cyclisme, a fortiori en montées, est fortement influencée par le poids corporel. Tout excès de masse grasse dégrade en effet la vitesse de déplacement. Or, les séances intenses stimulent fortement la dépense énergétique (c'est la notion de cycles futiles), notamment celle en post-effort. Elles permettent donc de perdre les quelques kilos récalcitrant.
Le home-trainer
Vous manquez de temps pour vous entraîner ? Le home-trainer est un outil très utile. En quarante cinq minutes, vous pouvez réaliser une séance efficace. Par contre, de part ses caractéristiques, n'oubliez pas de vous munir d'une bouteille d'eau, d'un linge de toilette voire d'un ventilateur et ouvrez les fenêtres. L'absence de courant d'air engendre une abondante transpiration, avec un réel risque de déshydratation et d'hyperthermie.
A consulter sur notre site :
>> Peut-on utiliser un home-trainer pour s'entrainer ?
>> Exercices pour home-trainer
Jouez sur les conditions de pratique
Outre ses effets positifs sur la perte de poids, s'entraîner à jeun stimule fortement la capacité d'adaptation de l'organisme et permet ainsi en partie de compenser un déficit en sorties longues. Pratiquer l'exercice à jeun, c'est rouler alors que son dernier apport énergétique (solide ou liquide) remonte au moins à six heures en arrière. Ainsi, le contexte hormonal, enzymatique, etc, est extrêmement favorable aux progrès car fortement perturbateur des ressources fonctionnelles de l'organisme.
Dossier : Exemples d'alimentation pour une sortie vélo à jeun de 2h00/2h30
Les sorties longues optimisent l'oxydation des lipides mais l'entraînement à jeun le permet également. De plus, au-delà de leurs effets positifs sur la perte de poids, les séances à jeun sont très efficaces pour améliorer la capacité de l'organisme à ''puiser'' dans les graisses. Or, oxyder efficacement les lipides, c'est économiser le glycogène musculaire, lequel pourra alors être mis à contribution en fin d'épreuve, lorsqu'il sera nécessaire d'accélérer.
La fréquence des séances peut également être une solution efficace pour compenser les sorties longues. L'entraînement bi-quotidien y contribue, nous l'avons vu, mais pas seulement. Si vous ne pouvez réaliser de longues sorties, entraînez-vous régulièrement, chaque jour, en ne vous octroyant qu'un seul jour de repos dans la semaine. Evitez donc les longues périodes sans stimulation. Ainsi, progressivement, votre organisme ''se fatigue'' et s'avère prêt à récupérer donc s'adapter.
Lire notre dossier : Progresser à vélo en s'entraînant en groupe
Du volume pendant les congés
Amis cyclistes, le gouvernement du Front Populaire vous à apporter au moins une mesure utile en 1936 : les congés payés ! Eh oui, profitez de vos semaines chômées pour accumuler les kilomètres. Déterminez alors vos objectifs en conséquence : ne programmez pas une compétition majeure immédiatement après vos vacances. Deux à trois semaines sont en effet nécessaires pour tirer pleinement bénéfice d'une période de volume, des semaines pendant lesquelles vous enchaînerez des séances courtes mais relativement intenses.
Suite à lecture de cet article, nous espérons que nous avons réussi à vous convaincre que vous pouviez progresser avec un volume limité d'heures de selle. Car en réalité, peu importe en effet la manière dont l'organisme est perturbé. Il ''suffit'' que ce dernier soit suffisamment stressé pour solliciter ses processus adaptatifs. Accumuler les kilomètres est évidemment un moyen pour y parvenir, un moyen très efficace même, mais un moyen parmi d'autres. S'entraîner deux fois par jour, à jeun, en ayant recours à intensités élevées permettent également de perturber l'organisme, donc à favoriser son adaptation et par conséquent votre progression.