Compléments alimentaires : Une aide à l'entrainement pour le cycliste ?
Idée reçue pour le cycliste : ‘'En phase intense d'entraînement, je supplémente mon alimentation avec des compléments alimentaires achetés en pharmacie car j'ai lu que c'était sans risque''.
Tout cycliste désireux atteindre ses objectifs se prépare de manière intensive et ce, de nombreuses semaines durant. La réalisation de fortes charges d'entraînement est effectivement une nécessité pour espérer progresser car l'organisme se doit d'être profondément perturbé pour s'élever à un niveau supérieur.
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Mais l'entraînement ne se résume pas à la charge d'entraînement, pour progresser, le contexte doit également être favorable aux adaptations. Ainsi, l'organisme doit avoir à sa disposition des nutriments qui lui sont essentiels. Si certains viennent à manquer, la charge d'entraînement va engendrer des perturbations fonctionnelles et structurales, profondes même parfois, mais qui ne vont pas être compensées, d'où l'apparition de blessures et autres pathologies.
Vous êtes alors nombreux, parce que vous avez compris que la récupération fait partie de l'entraînement, à supplémenter régulièrement votre alimentation avec des compléments. Vous pensez qu'en y recourant, votre organisme ne risque pas la carence en un ou plusieurs micronutriments. Or, la réalité est tout autre ! Supplémenter son alimentation ne permet pas de s'assurer d'un tel risque.
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Carence ou déficit ?
Carence et déficit sont deux notions relativement proches. La carence désigne la perte totale des réserves de l'organisme en un ou plusieurs micronutriments. Le déficit, lui, est un état de subcarence. Il n'y a pas de perte totale en un ou plusieurs micronutriments mais leur manque est suffisamment profond pour engendrer une perte d'activité cellulaire, se répercuter sur la santé (fonctionnelle, structurale et comportementale) et donc conduire à des dysfonctionnements organiques.
Les micronutriments, kezako ?
Les micronutriments sont des substances essentielles car l'organisme est incapable de les synthétiser. Elles sont à faible dose dans le corps. Ce sont les vitamines, les minéraux, les oligo-éléments, certains acides aminés et gras, etc.
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>> Dossier : Le rôle des oligo-éléments
L'alimentation adaptée
Tout cycliste impliqué dans une préparation physique à visée compétitive se doit d'adopter une alimentation adaptée par l'ingestion d'aliments qui lui permet de couvrir de façon optimale ses besoins, énergétique mais surtout fonctionnel. Rouler des milliers et des milliers de kilomètres, intensément même parfois, est évidemment un pré-requis pour progresser mais c'est insuffisant : l'organisme doit disposer de certains nutriments pour s'adapter.
>> Dossier : Conseils d'alimentation
L'alimentation doit être appréhendée de manière individuelle. Il existe en effet une extrême diversité des besoins en fonction des activités de la personne et du cycliste. Les contraintes familiales, professionnelles et sociales doivent être prises en compte, chaque individu étant unique, avec ses propres caractéristiques, lesquelles dépendent de son terrain génétique, de son histoire personnelle et de son environnement. Les enzymes et autres protéines participant à l'assimilation, à la digestion et au métabolisme des aliments s'expriment en effet selon un phénotype propre à chaque individu.
Le cycliste, ‘'animal'' à risque ?
Manger équilibré et diversifié devrait (théoriquement !) permettre d'atteindre une bonne santé et d'offrir à l'organisme les conditions favorables à son adaptation. Pourtant, bien que respectant strictement ce principe, nous ne sommes pas certains d'éviter les déficits. Certains facteurs expliquent en effet que malgré l'abondance de nourriture sur nos tables, nous ne sommes pas à l'abri de ‘‘mal manger'' :
- l'industrialisation de l'alimentation : le raffinage et l'hydrogénation appauvrissent les aliments en nutriments et transforment ces derniers en composés potentiellement nuisibles à l'organisme,
- les habitudes alimentaires (régime ‘'fast-food'', grande place à la viande...),
- l'appauvrissement des sols,
- les modes de culture et d'élevage (récolte avant maturité, alimentation animale riche en céréales, etc),
- les modes de préparation et de conservation des aliments : la cuisson à haute température par exemple qui dénature les nutriments et produit des substances potentiellement toxiques (amines hétérocycliques),
- la chélation chimique. Les métaux lourds, les conservateurs alimentaires, la pollution des eaux et atmosphérique, les pesticides, les engrais inactivent certains micronutriments.
Ces facteurs, individuellement pris, influencent sensiblement la qualité de l'alimentation, alors imaginez lorsqu'ils se cumulent...
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Un exemple à la loupe : le déficit en fer
Au-delà de son implication dans le transport de l'oxygène, via l'hémoglobine et la myoglobine, le fer est indispensable à de nombreuses autres fonctions. Les réserves martiales peuvent chuter et alors conduire à de nombreux troubles (comportementaux et fonctionnels). Dans le continuum carence-déficit, il est possible de distinguer trois stades :
- le stade 1 : une chute de la ferritine (forme de stockage du fer) avec un état d'anémie latente.
- le stade 2 : un état pré-anémique avec la chute du fer sérique (du compartiment sanguin) et de la ferritine.
- le stade 3 : l'anémie, avec la chute des réserves en fer mais surtout de l'hémoglobine.
Classiquement, deux grands types d'anémie, selon leur origine, sont distingués : les anémies centrales et les périphériques. Les premières proviennent d'un défaut de production (ou anémie médullaire). Elles peuvent être dues à une stimulation hormonale diminuée (EPO), un manque de ‘'matière première'' (fer, vitamine B12, acide folique), un ‘'dysfonctionnement'' des érythroblastes, une production des inhibiteurs de l'EPO (TNF, etc).
- Les anémies périphériques ne sont pas la conséquence d'un défaut de production, la moelle osseuse fonctionne normalement, mais proviennent de fortes pertes non compensées. De nombreuses situations les engendrent :
- l'hémorragie digestive : l'ischémie des viscères, le choc des organes, l'usage chronique de médicaments tels l'aspirine, entraînent une petite perte de sang, et donc de fer.
- l'hématurie : l'exercice entraîne une vasoconstriction rénale qui augmente la pression de filtration et donc le passage des hématies.
- l'hémolyse intra-vasculaire : le choc des hématies contre les vaisseaux sanguins entraîne la destruction de globules rouges.
- la sudation : la sueur contient une petite partie de fer.
- les pertes menstruelles.
Le déficit en fer peut également provenir d'une malabsorption intestinale due à divers causes (maladie cœliaque notamment) ou par une insuffisance de ses apports. Le déficit en fer par exemple se traduit par une diminution des performances, physique et intellectuelle, par des troubles du comportement (agressivité, humeur changeante…), etc.
Pour expliquer les déficits
Etre déficitaire en certains micronutriments peut s'expliquer par :
- des apports alimentaires insuffisants, dus à une alimentation peu diversifiée et/ou de faible densité nutritionnelle.
- un dysfonctionnement intestinal : l'hyperperméabilité intestinale et/ou le déséquilibre de sa flore (dysbiose) dégradent l'assimilation et la digestion des nutriments. L'excès de glucides ou de lipides, le manque d'hydratation pendant l'exercice (phénomène ischémie-reperfusion), le recours réguliers aux anti-inflammatoires et l'antibiothérapie sont des facteurs (parmi d'autres) qui perturbent profondément l'équilibre intestinal.
- des pertes excessives en nutriments. Au-delà des pertes fécales dues à des épisodes diarrhéiques chroniques dus à l'altération de l'équilibre intestinal, la sudation et certaines substances (dont les radicaux libres) majorent les pertes en nutriments. Les efforts intenses et répétés les majorent également (hémolyse vasculaire).
Evidemment, recherche de performance ou pas, tout déficit nutritionnel doit être rapidement traité.
La prise en charge micronutritionnelle
La prise en charge d'un déficit nutritionnel consiste tout d'abord…à l'éviter !
Dépister un déficit n'est pas simple, c'est une certitude. Les bilans sanguins donnent assurément de précieux renseignements mais les résultats obtenus sont à interprétés avec prudence : ils ne reflètent pas toujours et parfois que partiellement les réserves du paramètre concerné.
Par ailleurs, les bilans sanguins sont généralement réalisés alors que les troubles fonctionnels et/ou les contre-performances sont bien installées. L'idéal est d'anticiper ces déficits et de les détecter avant qu'ils ne soient trop profonds, sensibles.
>> Dossier : Eviter les contre-performances
L'utilisation, en routine, de questionnaires alimentaires et fonctionnels le permettent, en partie. Ils offrent de précieuses informations sur :
- les habitudes alimentaires,
- les éventuelles intolérances voire allergies alimentaires. Manger équilibré et diversifié est évidemment un préalable pour éviter les déficits nutritionnels mais encore faut-il être sûr que l'organisme supporte les aliments ingérés et ne développe pas des hypersensibilités (réactions immunitaires) ou intolérances alimentaires (non-intervention du système immunitaire).
- la mise en évidence de symptômes fonctionnels.
Ces outils (questionnaires alimentaires et fonctionnels) offrent de nombreuses et précieuses informations, lesquelles anticipent les résultats des bilans sanguins. Suite à la mise en évidence d'éventuels déficits et à la recherche de leurs causes, une véritable stratégie nutritionnelle doit être posée. La supplémentation, par le recours à des compléments alimentaires, pouvant être envisagée mais penser qu'ils sont la solution idéale est une erreur. Avant de se tourner vers ces compléments, dans un premier temps, il s'agit de :
- rétablir l'équilibre intestinal afin d'optimiser la digestion des aliments et l'assimilation des micronutriments. Le recours à des probiotiques et prébiotiques doit être un préalable avant toute complémentation et ce, afin de rééquilibrer le microbiote intestinal. Celui-ci jouant de nombreux rôles (de protection, dans la synthèse…), son équilibre est donc essentiel. Pour se faire, il peut également être utile de complémenter son alimentation avec de la glutamine, l'acide aminé qui nourrit les entérocytes. Les cellules intestinales se cicatrisant alors.
- retrouver une alimentation diversifiée, équilibrée, d'origine biologique et répondant aux besoins du cycliste donc personnalisée.
Si, suite à cette première phase, l'équilibre nutrionnel n'est pas revenu, le recours à des compléments peut alors être envisagé. Par ailleurs, modifier certaines (mauvaises !) habitudes alimentaires, dans certains cas, prend du temps et l'alimentation peut ne pas être suffisante pour combler certains déficits. Dans ce contexte, il est souhaitable de combler ces déficits et d'optimiser ainsi les fonctions cellulaires par l'apport de compléments alimentaires.
Se complémenter : quelques précisions
>> Dossier : Les compléments alimentaires naturels pour le cyclisme
L'intérêt de la complémentation est d'augmenter de façon notable les chances du cycliste de rester en bonne santé et d'atteindre ses performances. Cette prise en charge globale permet de restaurer les fonctions métaboliques défaillantes et ainsi de relancer les fonctions physiologiques qui en dépendent.
La notion du respect de l'équilibre entre les différents micronutriments est une notion fondamentale lors de la complémentation. L'apport en quantité extra-physiologique de l'un ou l'autre micronutriment va forcément perturber le métabolisme des autres, l'interaction entre eux étant forte.
Avec cet article, nous avons souhaité vous alerter sur la difficulté à se complémenter. La ‘'pilule miracle'' permettant de corriger les déficits n'existe pas. Si les intestins, lieu clé de la digestion et de l'assimilation, ne sont pas en parfait état, si l'alimentation, au quotidien, n'est pas équilibrée et diversifiée, et si les aliments potentiellement pathogènes ne sont pas exclus du régime alimentaire habituel, le recours à des compléments alimentaires s'avère inutile, excepté d'alléger votre porte-monnaie !