La préparation nutritionnelle du vététiste
La préparation nutritionnelle est une approche avant-gardiste de la nutrition. Elle est à l’alimentation, ce que la préparation physique est à l’entraînement. La préparation physique permet de travailler un « geste », parfaire une posture, acquérir une technique, en vue d’une meilleure performance dans l’exercice vététiste. La préparation nutritionnelle a la même vocation. Il s’agit de travailler des « automatismes » alimentaires, améliorer un schéma nutritionnel, acquérir de bonnes habitudes, qui permettront d’être plus fort à l’entraînement et sur les épreuves (compétitions, rassemblements, brevets…).
Le travail sur la filière glucidique
L'état dit « d'épuisement » caractérise dans toutes les disciplines sportives (mur du marathon, jambes coupées à vtt…) l'extinction de la réserve de glycogène des groupes musculaires sollicités, en l'occurrence chez le vététiste, les groupes musculaires inférieurs : cuisses mollets et fessiers. Cette réserve est de 350g à 500g de glycogènes chez le vététiste moyen. Il n'y a pas de solidarité entre les groupes musculaires. Si des groupes musculaires moins sollicités (par exemple les groupes musculaires supérieurs : dorsaux, biceps, pectoraux…) disposent encore d'une réserve de glycogène, ils ne porteront pas assistance aux groupes musculaires inférieurs en détresse énergétique.
L'entraînement permet d'augmenter progressivement la capacité de stockage de glycogène par les groupes musculaires qui ont le plus l'habitude d'être sollicités (du simple au double). Ce phénomène est à l'origine de différences substantielles entre individus (sédentaire et sportif entraîné), mais aussi entre groupes musculaires (cuisses-fessiers et pectoraux-dorsaux). Ainsi chez le vététiste la capacité de stockage dans les groupes musculaires inférieurs est très supérieure à ce qu'elle est dans les groupes musculaires supérieurs. Il s'agit de l'effet dit d'adaptation. La préparation nutritionnelle est là pour accompagner cet effet. Un muscle pouvant stocker davantage de glycogène par kg de poids pourra aller plus loin dans l'effort. Ceci explique les différences d'autonomie, d'une part entre un sédentaire s'adonnant au vtt une fois par an et un vététiste occasionnel ou un vététiste d'adonnant à la natation une fois par an et un nageur, ou enfin entre un vététiste occasionnel et un vététiste très entraîné.
En quoi la préparation nutritionnelle peut elle accompagner l'effet d'adaptation ? L'effet d'adaptation est notamment lié à des cycles de charge/décharge du stock glycogénique musculaire. Il y a là une double stratégie à mettre en place calquée sur le plan d'entraînement annuel. Au quotidien, il convient d'encadrer les entraînements par des apports glucidiques adaptés en fonction des objectifs que l'on souhaite atteindre. Y compris les entrainements de renforcement musculaire des groupes musculaires supérieurs (musculation, gainage…), moins sollicités à l'entraînement mais davantage en course, afin d'en améliorer les capacités de stockage sans prise de graisse. En pré-course, la priorité sera de travailler sur les mécanismes dits de surcompensation (régime dits de surcharge glucidique).
Les priorités :
- Encadrer les entraînements/courses par des apports glucidiques adaptés, en arbitrant sur les index glycémiques des aliments, pour accroître les capacités de stockage/déstockage des groupes musculaires sollicités (priorités aux sucres à index glycémique bas : féculents complets, pain complet, légumes secs…)
- Inclure durant la saison quelques phases tests de surcharge glucidique (régime dissocié scandinave, régime hyperglucidique…) à l'occasion d'entraînements test ou de courses intermédiaires (test events…)
- Inclure des journées de repos total (au moins 1 par semaine) et veiller quotidiennement à la qualité et à la durée du sommeil
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Le travail sur la filière lipidique
Nous venons de le voir, la réserve glucidique, matérialisée essentiellement par le stock de glycogène musculaire, est très limitée (350 à 500g chez un vététiste moyen). Or, la consommation moyenne en exercice normal est de 130g de glycogène par heure minimum (soit 520kcal), ce qui laisse une autonomie théorique (en l'absence de ravitaillement) de 2 à 3h. Cependant, d'une part le stock de glycogène musculaire est rarement maximal en dehors des périodes de repos ou précompétitives, et d'autre part, la consommation peut être beaucoup plus élevée (jusqu'à 230g/heure soit 900kcal). Même l'apport par les boissons et les gels ne suffit pas dans ces situations à couvrir les besoins, étant donné que la capacité d'assimilation des sucres par un organisme à l'effort est plafonnée à 1g/kg de poids/heure (soit 60/70g/h). Il faut donc pouvoir recourir à d'autres substrats énergétiques, notamment les lipides (graisses), qui sont abondants dans l'organisme et offrent un rendement très élevé.
La réserve lipidique est de 300g dans les muscles et 10 à 12kg en moyenne dans les tissus de réserve (tissus adipeux). C'est une ressource quasi illimitée (elle représente un réservoir de près de 100 000kcal !) et économique (1g de graisse fournit 9kcal soit 2 fois plus de calories qu'1g de glucide). Elle peut contribuer jusqu'à 50-60% de l'énergie consommée. Ainsi, à intensité équivalente, un vététiste qui saura mieux mettre à contribution ses graisses de réserve que ses concurrents aura un avantage substantiel sur la durée.
La mise en jeu de la filière lipidique est cependant moins immédiate que celle de la filière glucidique (elle exige des réactions de transformation), ce qui explique qu'elle ne soit pas privilégiée par l'organisme pour des efforts maximaux, urgents, immédiats. Néanmoins, il est possible d'une part d'accélérer la disponibilité des graisses et d'autre part de repousser le plus loin possible l'intensité au delà de laquelle les graisses de réserve ne peuvent plus être mises à contribution. Cet effet d'adaptation survient lorsque la lipolyse (dégradation des lipides) est stimulée régulièrement par le vététiste. La préparation nutritionnelle encourage cette adaptation en limitant tous les aliments et tous les comportements qui s'opposent à la lipolyse : surconsommation d'aliments à index glycémique élevé (sucrés), grignotages entre les repas, surconsommation de sucres à l'entraînement.
Autre avantage indirect, vous allez perdre de la graisse excédentaire, ce qui diminuera votre consommation énergétique à l'effort (moins de poids à porter).
Les priorités :
- Limiter la consommation d'aliments à index glycémique élevé (sucres, produits sucrés, boissons sucrées, céréales raffinées…) dans l'alimentation habituelle, en dehors des fenêtres métaboliques*
- Limiter toutes les habitudes de grignotages entre les repas (qu'elles soient orientées sur le sucré ou la salé)
- Limiter la consommation de boissons énergétiques, barres, gels sur les entraînements de moins de 2h à intensité moyenne (cette mesure développe également les capacités de stockage glycogénique des groupes musculaires par l'encouragement des processus dits de néoglucogénèse**)
Définition fenêtre métabolique : Il s'agit d'une période favorable pour le corps humain pour se régénérer rapidement après une activité physique
Définition néoglucogénèse : La néoglucogenèse, aussi appelée néoglycogenèse, est la synthèse du glucose à partir de précurseurs non-glucidiques (lipides et protéines)
Le travail sur la filière protidique
L'effort prolongé, la répétition d'entraînements intensifs sont autant de facteurs qui peuvent mener à un affaiblissement général. La réserve protidique est de 10kg environ (muscles, globules rouges, organes…), dont une partie, les acides aminés ramifiés (leucine, isoleucine, valine) et la glutamine, peut être dégradée pour fournir une énergie de « secours » dans les situations extrêmes d'effort prolongé (jusqu'à 10% de l'énergie consommée), d'entraînement à jeun, de séances intensives et traumatisantes…
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L'enchaînement de ce type de séances ou la répétition de sorties prolongées à l'entraînement ou en compétition (3/4/5h) ou le manque de phases de repos, peuvent mener progressivement à un hypercatabolisme (dégradation effrénée des réserves de l'organisme). L'hypercatabolisme est lié à l'augmentation de la production de cortisol, la répétition des contraintes mécaniques sur les fibres et la baisse de production de testostérone (hormone « anti-catabolique »). La conséquence est 1) une fonte musculaire 2) une baisse du taux sanguin des acides aminés ramifiés.
Les symptômes 1) de la fonte musculaire sont un moindre rendement musculaire, une perte de puissance, une moindre capacité de récupération musculaire, des blessures musculaires à répétition, une fatigue chronique, une fragilité excessive liée à la baisse des défenses immunitaires (baisse du taux de glutamine précurseur des globules blancs).
Les symptômes 2) de la baisse du taux sanguin des acides aminés ramifiés sont la fatigue centrale c'est à dire lassitude, démotivation, moindre combativité. Ces état sont liés à l'augmentation de la production de sérotonine (favorisé par une moindre concurrence entre le tryptophane et les ramifiés au niveau de la barrière cérébrale)
Toutes ces mises en garde sont loin d'être théoriques….La préparation nutritionnelle permet de prévenir ces écueils. Elle doit être calquée sur le plan d'entraînement annuel. Au quotidien, il convient d'encadrer les entraînements par des apports protidiques adaptés en fonction des objectifs que l'on souhaite atteindre. Y compris les entrainements de renforcement musculaire des groupes musculaires supérieurs (musculation, gainage…), moins sollicités à l'entraînement mais davantage en course, afin d'en améliorer la résistance et la tonicité. En pré-compétition, la priorité sera d'optimiser le stockage d'acides aminés ramifiés dans les cellules musculaires.
Les priorités :
- Encadrer les entraînements/compétitions par des apports protidiques adaptés, en arbitrant sur les sources de protéines, leur qualité biologique et leur vitesse d'assimilation pour améliorer la résistance musculaire et la qualité de la réparation (le recours éventuel aux suppléments de protéines est possible)
- Pour les vététistes très entraînés, inclure durant la saison 1 ou 2 cures d'acides aminés ramifiés et de glutamine notamment à l'approche des compétitions les plus importantes pour améliorer la résistance tissulaire et profiter de leur pouvoir tampon (ils repoussent la baisse de PH musculaire, à l'origine de la fatigue musculaire)
- Pour la compétition, inclure le cas échéant des boissons enrichies en acides aminés ramifiés. Pendant : afin de repousser la fatigue centrale. Après ; afin de favoriser une récupération musculaire plus rapide.
- Inclure des journées de repos total (au moins 1 par semaine) et veiller quotidiennement à la qualité et à la durée du sommeil
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