Interview roues VTT : Jean-François Bossler
Le profil de Jean-François Bossler est particulièrement intéressant dès qu’il s’agit de roues VTT. En effet, l’homme a plusieurs casquettes et suffisamment de recul pour avoir des avis objectifs sur le marché des roues VTT.
- Il est un compétiteur acharné et de très bon niveau avec de belles places : victoires en courses régionales, participation aux Coupes de France cross country et à des marathons un peu partout sur terre, entre autres sur la Cape Epic).
- Il est vélociste à Mâcon et par cette occasion il vend des roues complètes... mais doit aussi assurer le SAV.
- Il est aussi un monteur de roues passionné et particulièrement exigeant. Son dernier montage : une paire de roues en 29 pouces passant sous les 1200 g. Les connaisseurs apprécieront.
Nutri-cycles.com : Dans les faits et à propos des roues VTT, quel discours tenez-vous dans votre magasin auprès des utilisateurs ?
Jean-François Bossler : Vendre des roues c'est finalement pour un vélociste qui a des clients qui roulent à VTT une belle source d'ennuis.
Donc pour moi le 1er critère qui doit diriger l'utilisateur (c'est aussi le point de vue du vélociste...) est d'avoir du matériel fiable, avec un bon SAV et des pièces pour réparer.
Comme 2ème critère, je choisirais un critère de pur montage c'est à dire de rester dans des longueurs de rayons comprises entre 258 et 264 mm, pour du 26 pouces. Rassurez-vous ce sont les longueurs les plus classiques et répandues. Mais au moins c'est l'assurance de pouvoir être dépanné à peu près partout, dans tous magasins de vélo de France. Un point important lorsqu'on est en vacances ou sur une course et que l'on casse un rayon...
Au risque de vous surprendre ces longueurs ne sont pas toujours en vigueur chez Mavic. Certes la marque vend des kits de rayons mais ce n'est finalement pas toujours évident de réparer une roue Mavic. Il faut souvent la renvoyer. Un discours qui passe souvent mal pour le pratiquant qui roule régulièrement. Et encore plus s'il est en vacances ou en course !
>> Dossier : Comment choisir une roue de VTT ?
Nutri-cycles.com : Avec des montages couvrant toutes les fourchettes de prix et toutes sortes de technologies adoptées, comment se repérer devant l'étendue de l'offre ?
Jean-François Bossler : En prenant l'ensemble du marché, j'ai remarqué que l'on pouvait distinguer 4 fourchettes de prix qui correspondent au marché :
- +/- 300€ : la 1ère monte ou le renouvellement pour les VTTistes occasionnels ayant subi trop d'ennuis sur leurs roues d'origine pour permettre une réparation.
- +/- 500€ : « l'upgrade », c'est à dire l'amélioration du comportement du vélo. Tout le monde sait que les roues sont capitales pour accroître les performances. Il s'agit même du poste le plus important.
- +/- 750€ : c'est le haut de gamme pour ceux qui cherchent la performance.
- Budget sans limites : ici les poids descendent à moins de 1300 g la paire avec une rigidité souvent liée au carbone. Le boyau se rencontre également mais son utilisation doit se limiter à des cross country en circuit car la réparation en cas de crevaison est trop compliquée pour s'envisager sur un marathon ou encore un cross country.
La 1ère question à se poser est : Tubeless ou non Tubeless ? Car si le concept de pneus sans chambres est adopté le plus souvent par la grande majorité des cas pour ses capacités de déformation de la carcasse, son confort ou son adhérence, il reste encore des réfractaires qui souhaitent absolument rester aux chambres à air, à qui il reste encore en toute objectivité quelques avantages, comme celui d'éviter d'utiliser du latex ou encore celui de devoir faire l'étanchéité du pneu.
La 2ème question est bien évidemment le budget. Avec les 4 fourchettes de prix évoquées, il est possible de d'améliorer le montage au travers des rayons, des moyeux et des jantes. Pour améliorer ses performances il est préférable d'avoir des moyeux « basiques » mais une jante haut de gamme (rigide et légère) plutôt que l'inverse.
4 fourchettes de prix :
- +/- 300€, je conseille une paire de DT X1900, avec rayons classiques qu'on trouve partout en cas de casse, moyeu DT (pièces toujours disponibles en SAV) et jante de bonne facture. Pas léger mais fiable et assez joli en plus !
- +/- 500€, on a l'incontournable paire de roues Hope (moyeu Pro II) / jante No Tubes ZTR Crest en 32 coudés croisés par 3. Ce montage est disponible en direct chez la marque Hope. Il s'agit d'un montage de type usine mais vérifié par la main de l'homme, un gage de qualité puisque l'inconvénient de la machine est de malheureusement permettre des tensions de rayons disparates alors que la roue « tourne droit », seul paramètre important pour la machine.
Un autre avantage que l'on garde ici sont des rayons dont on trouve la longueur partout, des moyeux très fiables et usinés dans la masse et la meilleur jante Tubeless du marché, le tout à un poids raisonnable de 1650 g. J'ai pu moi même observer plusieurs fois la qualité du montage provenant de chez Hope en vérifiant la tension de chaque rayon et j'ai quelques clients qui roulent avec et tout le monde est content. En roues usine, ce montage aurait comme concurrent principal les Mavic Crossmax mais celles-ci sont plus chères d'environ 200€.
- +/- 750€ : dans une optique compétition et à condition d'éviter de rouler toute l'année avec, je conseille la paire de roue AMC Race. A 1325 g la paire (310 g la jante !) c'est vraiment performant, esthétiquement réussi et compatible avec tous les standards. Enfin, les moyeux sont fiables à présent . Même les rayons sont de dimension classique, toujours un point important lorsqu'on se place du côté « vélociste » mais aussi pour l'utilisateur en proie à une casse de rayon.
J'ai moi même fait la Cape Epic avec une paire de roues à l'identique et je n'ai pas subi le moindre problème alors que les roues ont été menées dans leur retranchements sur cette épreuve.
En montage artisanal, pour le même prix je monte aussi une paire de roue avec des moyeux AIVEE (des moyeux français !), rayons Sapim Cx Ray et jante ZTR Crest (jantes autour de 350-360 g), pour avoir en plus la touche artisanale (ligatures) et une paire de roue parfaitement montée avec la bonne tension dans chaque rayon.
Ce sera cependant plus lourd que les roues AMC mais un peu plus costaud aussi. Mais je pense que ce montage s'adresse à des utilisateurs plus pointus qui n'auront pas à se soucier de la fiabilité au fil des kilomètres ni prendre garde en permanence où ils mettent leurs roues en descente. En artisanal aussi il est possible d'adapter le nombre de rayons selon le poids de l'utilisateur ou encore la jante de façon très précise. Même pour une pratique engagée, de l'Enduro ou des gars lourds qui attaquent en descente de cross country, ces spécificités peuvent être prises en compte pour avoir un montage 100% sur mesure.
>> Dossier : Les différents types de VTT
C'est là où les roues usine marquent le pas puisque le même modèle doit convenir aux 50 comme aux 90 kg, au gars qui font 200 comme à ceux qui font 500 watts ou à ceux qui contournent les pierres comme à ceux qui passent dessus. De même que pour certains VTTistes pédalant par à-coups j'évite de les orienter vers les moyeux Tune, certes légers et performants mais qui sont parfois incompatibles avec certains styles !
Les remarques ci-dessus sont surtout valables pour le X Country. Pour les « freeriders » ou les gros lourds ne sachant pas piloter, il faut du solide donc on remplace à chaque fois les jantes ZTR Crest par des Arch voire des Flow.
- En prix « no limit », toujours en artisanal, mais avec des moyeux ACSE (également français, recocorico), rayons Sapim Cx Ray et jantes Crest ZTR Gold pour du marathon ou une jante carbone (mais là on est à 1500€ la paire...).
Les ZTR Gold à 310 g sont ultra performantes mais seulement à condition d'être souple dans le pédalage et d'avoir un pilotage propre. Pour les plus exigeants et les plus lourds elles peuvent manquer de rigidité.
Pour les roues carbone, je me suis récemment offert pour utilisation perso des roues en 29er à moins de 1200 g ! Avec des moyeux Tune ultra légers (Princess) on y arrive... Le tout avec une rigidité impeccable (à condition de ne pas peser soi même plus de 65 kg) et l'avantage du Tubeless.
>> Dossier : Les composants des roues de VTT
Il faut cependant avouer que « le pied total » en VTT ce sont les boyaux mais c'est aller au devant de beaucoup d'ennuis. A la limite cela peut s'envisager pour le haut niveau en cross country, pour des gars qui ont connu et reconnu de nombreuses fois un circuit donné. Ils vont savoir exactement où mettre leurs roues. Mais pour le marathon, discipline où par définition où ne connaît pas la descente qui suit les boyaux sont à exclure.