Rémi Chenu fondateur des vélos CKT
CKT Carbon est une marque dynamique sur le marché concurrentiel des cadres. Esthétique agressive, tarif contenu et communication à l’avenant (salons ou Internet) sont quelques uns des ingrédients qui font son succès actuel. Nutri-cycles est allé à la rencontre de son fondateur et PDG, Rémi Chenu, pour connaître l’histoire de la structure et percer peut-être certains de ses secrets.
nutri-cycles.com : Quelle est l’histoire de CKT et combien êtes-vous aujourd’hui dans la structure ? Quel est le mode de commercialisation des cadres ?
Rémi Chenu : L’histoire de CKT débute à la fin des années 90 à Taiwan avec l’entraîneur de l’équipe nationale de Taiwan (Chiang Kuang-Tsan, pour CKT donc). Tout commence avec le développement de premiers cadres de piste qui est une discipline très développée en Asie.
Puis c’est une histoire d’amitié entre CKT Taiwan et moi-même depuis 2005 qui a transformé la petite marque Taiwanaise en marque reconnue en Europe et aux Etats Unis. J’ai fondé Globike en 2006-2007 puis nous avons développé, amélioré et allégé les cadres, et nous avons lancé la marque en Europe et aux USA. Nous sommes 8 et nous distribuons via des magasins de vélo (300 en Europe) et aussi via internet avec le montage à la carte.
nutri-cycles.com : Que représentent les ventes de cadres VTT, piste et triathlon par rapport aux ventes globales ? Après avoir mis en avant la route, ces disciplines parallèles vont-elles être davantage explorées ?
Rémi Chenu : Pour l’instant la route est notre principale activité à 95% du chiffre d’affaire. Même si nous roulons tous ici aussi en VTT (cross country et freeride) nous nous concentrons sur la route car nous maitrisons parfaitement ce sujet. La piste et le chrono sont l’essence même de la marque, les produits sont parfaits pour cette discipline et nous sommes d’ailleurs champion du monde Master (Sydney en 2008). Néanmoins ce sont des niches et surtout par manque de temps nous sous exploitons un peu ces disciplines.
A l’avenir bien sûr nous développerons le VTT avec l’arrivée d’un cadre tout suspendu en 160mm.
nutri-cycles.com : Vous mettez en avant votre rapport qualité/prix et cela vous oblige – comme la plupart des fabricants – à travailler avec l’Asie.
Premièrement, comment arrivez-vous à maintenir à des prix raisonnables vos produits ?
Deuxièmement, comment vous assurez-vous de la qualité de vos produits, notamment au niveau du suivi de la production par rapport à votre cahier des charges ?
Rémi Chenu : En effet, notre objectif est d’avoir le meilleur rapport qualité prix du marché et je pense que nous ne sommes pas très loin de l’être étant donné les prix exorbitants pratiqués par certaines marques.
Rien ne nous oblige à travailler en Asie. Mais la marque est Asiatique cela constitue une grande différence. Nous étions déjà sur place, pas besoin de changer ce qui marche. Nos usines le savent, les Taïwanais sont très chauvins, nos produits reçoivent une attention particulière lors de la fabrication, de la peinture. Je passe beaucoup de temps dans nos usines et en Asie, l’accueil est différent, l’attention portée au développement des produits est incomparable.
En visitant les usines je vois aussi les concurrents et je me demande toujours comment certains suivent leur production, ils ne sont pas sur place et n’ont personne sur place pour vérifier ce qui se passe. Notre équipe Taïwanaise est constamment sur place, nous avons un contrôle qualité dans les usines puis un dans nos locaux CKT Taiwan, puis ici chez nous à La Ciotat. Nous avons limité la taille des structures en Asie et à la Ciotat et nous ne travaillons qu’en direct avec les usines, du porte bidon au cadre tout est développé et suivi par CKT.
Concernant la partie vente, nous travaillons avec aucun agent ou distributeur. Nous gérons notre réseau de distribution Europe depuis la Ciotat sans aucun intermédiaire. Nous travaillons tous les jours avec des magasins espagnols, portugais, allemands… Ceci nous permet de maintenir des prix agressifs.
nutri-cycles.com : Votre gamme route est scindée en 3 catégorie : « polyvalents », « grimpeurs » et « rouleurs ». N’avez-vous pas peur de trop cloisonner ainsi les cyclistes ? Ainsi, par exemple le grimpeur Elite n’aura-t-il pas intérêt à se diriger vers un 398 Team (« rouleurs ») plutôt qu’un 368 RS (« grimpeurs ») ?
Rémi Chenu : Pour plus de clarté nous avons scindé notre gamme en type d’utilisation. Le but était de faire simple pour que nos clients puissent se reconnaitre facilement. Même sans s’y connaitre, en roulant un peu on sait si on est grimpeur ou rouleur, véloce ou puissant. Si vous ne savez pas alors il y’a de grande chance pour que vous soyez polyvalent. Nous avons tous une façon de pédaler spécifique à notre corps, il semble logique de vous proposer le cadre qui correspond.
Nous voyons tellement de client venir vers nous avec des cadres 10 fois trop rigides pour eux. Les concurrents classent leurs vélos suivant le prix, je pense que c’est une erreur. Si vous croisez ça avec le fait que la tendance des grandes marques va vers les cadres très rigides car il y a moins de SAV à gérer, ça donne beaucoup de monde sur le mauvais vélo. Heureusement chez CKT nous réfléchissons différemment.
Pour votre coureur Elite toute dépend de sa volonté réelle. S’il est en Elite c’est qu’il fait beaucoup de courses et gagne. La plupart des courses Elite ne sont pas que des courses de côtes, ça veut dire qu’il roule très souvent en course sur des circuits vallonnés et s’en sort plutôt pas mal.
Donc 2 solutions, s’il veut gagner le trophée des grimpeurs et ne compte faire principalement les courses de côtes il prend un 368RS, s’il veut faire sa saison complète il prend un 398. Ou il prend les 2 ! La différence est réelle, nous testons tous les modèles pendant des mois, j’ai roulé 3 ans sur un 368, 2 ans sur un 368RS et 1 an sur un 398.
>> Essai vélo route : CKT 298 Black Edition
nutri-cycles.com : De même le 368 RS (« grimpeurs) est donné plus rigide que le 368 (« polyvalents ») alors que les grimpeurs sont normalement plus à l’aise avec des grimpeurs moins raides.
Rémi Chenu : En fait tout est parti d’un test fait par une revue papier de cyclisme. Le testeur avait trouvé le cadre 368 trop souple de l’arrière. On nous l’a reproché sur la version précédente du 368 (2009), nous l’avons donc rigidifié mais le but est de garder l’âme du 368 qui est un vélo facile à emmener. Pour des cyclosportifs un vélo facile à emmener et un vélo pas trop rigide, c’est le cas du 368.
Le 368RS existe depuis 2 ans, nous l’avons créé pour répondre à la demande de clients qui roulaient pas mal et arrivaient à la limite du 368. Nos clients qui sont grimpeurs sont souvent des cyclistes affutés, ils grimpent bien car ils marchent bien et s’entraînent et roulent sur des parcours pas uniquement de montage. Il nous fallait donc un cadre un peu plus rigide que le 368 mais gardant la même géométrie.
nutri-cycles.com : Le fleuron de votre gamme, le 398 Team est-il développé en collaboration avec les professionnels du VC La Pomme ? Comment se cadre se situe-t-il (points forts) par rapport aux cadres a priori plus « prestigieux », de marques italiennes, américaines ou françaises ?
Rémi Chenu : Les a priori viennent du prix car nous sommes agressifs sur ce critère, notre qualité de fabrication est supérieure à beaucoup de grandes marques. J’ai visité des usines de « grandes » marques italiennes avec des cadres très chers qui sont à vomir, sales, mal organisés avec des enfants très jeunes qui travaillent dans des conditions misérables à l’extérieur et parfois sous la pluie. La presse le sait et laisse faire mais actuellement sur le marché il y a quelques marques italiennes qui sont les plus grosses arnaques du siècle et je vise clairement la marque la plus chère du marché, je pense que c’est inadmissible. Un peu de marketing et le tour est joué. Pour moi qui suis de l’autre côté il n’y a plus de grande marque depuis bien longtemps même s’il ne faut pas mettre tout me monde dans le même panier car il y a des beaux produits aussi sur le marché.
Cette année nous avons allégé nos cadres (-150g) environ en passant sur une technologie EPS2 et en utilisant 2 fibres alors que nous utilisions uniquement de la Torayca. Nous utilisons maintenant de la fibre Torayca et Toho 46 Tons qui est une fibre haut module. Ces fibres sont très haut de gamme et notre procédé de fabrication très propre.
Le 398 SSP pèse 915g, nous avons bien sûr écouté les coureurs du Team La Pomme, leur retour est toujours intéressant. Ils apprécient le gain de poids qui a pour eux modifié le comportement du vélo. 915g, compatible Di2, câbles 100% intégrés, au choix tige réglable ou intégré, pivot conique… Le 398 se situe au niveau des cadres les plus chers des autres marques, nous n’avons aucun complexe par rapport à eux.
nutri-cycles.com : Vous travaillez beaucoup avec Internet. Quelles sont les garanties pour l’acheteur et comment fonctionne votre SAV ?
Rémi Chenu : En effet Internet est un vecteur important, nous aimons le contact du client final, il nous permet de vraiment garder le contact avec le terrain. Sur internet maintenant vous avez souvent plus de service qu’en magasin. Conseils personnalisés, garantie satisfait ou remboursé, montage à la carte, livraison UPS 48h chez vous ou au travail, paiement sécurisé, contact 7/7 et de 8h à 19h, la liste de services est quasiment imbattable. De plus nous recevons nos clients au showroom ou sur les cyclosportives pour les réglages si besoin.
Le SAV fonctionne très simplement, le client nous contacte, nous recevons une photo et si besoin de voir le produit pour juger on le récupère, rien de très compliqué.
Quand on dit « Internet », souvent les clients pensent SAV mais le SAV est souvent beaucoup plus simple à gérer qu’un client qui vous demande des manivelles en 165, des plateaux de 38/48, une cassette de 12/27 et des cocottes de couleur bleu…
nutri-cycles.com : Récemment, les internautes ont vu apparaître des cadres encore moins chers, le plus souvent sans peinture, appelés cadres « génériques » et ressemblant bien souvent à des cadres de marques bien connues. Qu’est-ce qui vous différencie de ces cadres ? Dans ces conditions, pourquoi le consommateur ferait-il un effort supplémentaire pour acquérir un cadre CKT ?
Rémi Chenu : Si nos prix étaient 2 fois plus élevés vous ne poseriez pas la question de cette façon. Nous n’avons rien de générique, tous nos cadres sont développés en interne, nos moules sont tous propriétaires. Notre usine ne fait des cadres que pour CKT contrairement à la moitié de la planète vélo fabriquée chez GIANT. Beaucoup de « grandes » marques ont des cadres génériques dans leur gamme ce n’est pas le cas chez CKT. Techniquement CKT est à des années lumières d’un cadre générique.
Acheter du générique pourquoi pas, oubliez la garantie, oubliez le service, le conseil, le montage à la carte mais je n’ai rien contre ce n’est pas très important, le service on peut s’en passer et la garantie, un cadre carbone est souvent très solide. En fait tout ça n’est pas vraiment un problème, le seul véritable problème c’est l’image que vous projetez avec un vélo sans marque. Malheureusement nous achetons des marques pour positionner notre image sociale, habits de marque qui n’ont rien de plus que les autres, chaussures de marque mais totalement chinoises… Nos clients n’acceptent pas de rouler avec un cadre sans marque à 500 dollars, techniquement si vous tombez bien ça peut être assez proche mais vous ne projetez pas grand-chose et ne rejoignez pas une communauté.
nutri-cycles.com : Dans votre gamme, quel est le cadre le plus adapté à un cyclosportif de niveau moyen, parcourant 7000 km/an désirant se faire plaisir sur quelques cyclosportives vallonnées et une ou 2 épreuves de montagne ?
Rémi Chenu : 7000km par an c’est déjà pas mal, vous êtes entrainé, de plus vous ne roulez pas seul dans votre coin mais participez à des cyclosportives donc vous avez du rythme. Là normalement je demande votre poids, votre âge et si vous êtes plutôt puissant ou véloce, mais bon peu importe pour un tel programme un 368RS semble l’arme idéale dans tous les cas, ça passe partout c’est facile à emmener, nerveux, léger… Que demander de plus ?
nutri-cycles.com : Dans votre gamme, quel est le cadre le plus adapté au coureur de 3ème catégorie FFC parcourant environ 10000 km dans l’année, puissant et désirant un vélo lui permettant de s’extraire facilement du peloton ?
Rémi Chenu : Je pense que tout le monde est d’accord pour dire qu’en 3ème catégorie FFC ça commence à rouler, c’est surtout par à-coups mais ça roule costaud. 10000 km par an c’est bien, très bien, vous êtes entrainé, ça sent l’amateur de gros braquets. Je vous conseille un 369 et si vous avez le budget un 398, vous ne pourrez pas être déçu par ces cadres car c’est véritablement votre programme.
nutri-cycles.com : Vous vous êtes rendus récemment sur l’Ardéchoise pour exposer votre gamme et d’autres cyclosportives sont à votre programme. En plus du côté commercial de l’opération, que représente pour vous le fait de côtoyer ainsi au plus près nombre de pratiquants amateurs ?
Rémi Chenu : En effet il y a la nécessité de nous faire connaitre donc un aspect commercial bien entendu mais il y a une multitude d’intérêts pour une marque en croissance comme CKT.
1 – Rester au contact des tendances, des besoins, des gouts des pratiquants et avoir en direct les critiques, bonnes ou mauvaises.
2 – Expliquer notre technologie, nos produits, nos avantages. Convaincre est toujours plus facile en face à face.
3 – Montrer qui nous sommes, que nous sommes aussi des passionnés et inspirer la confiance des pratiquants.
De plus nous participons à toutes les cyclosportives sur lesquelles nous exposons, je fais 100ème de la Corima et 25ème de la Garlaban. Le but est d’être devant pour pouvoir arriver avant les clients sur le stand, il y’a un petit challenge en interne, c’est pour le fun, ça permet de garder la motivation pour aller sur les cyclosportives.
>> Informations CKT : CKT-Carbon